Enfin pas vraiment…

Je vous ai parlé à plusieurs reprises de l’association M la vie avec Lisa, qui chaque année
organise une exposition-vente d’œuvres données par des artistes de tous horizons, au profit de la recherche sur les sarcomes d’Ewing.

L’organisation de l’exposition qui devait avoir lieu cette année au mois de juin a été fortement compromise par la situation sanitaire que nous traversons. Mais l’inventivité et le dynamisme des fondateurs de l’association ne faisant jamais défaut, nous nous sommes vus proposés un petit défi qui m’a enthousiasmée. Celui de s’approprier l’objet-masque (les responsables de l’association en ont cousu des centaines pour les distribuer autour d’eux) et ce que pour nous il symbolise, pour tenter d’en faire “une œuvre”, un support d’expression.

Ces masques, dont se sont emparés une cinquantaine d’artistes, seront vendus en ligne
et aux enchères au profit de l’association dans le courant du mois de juin. Vous trouverez plus d’informations à ce sujet ici.

J’ai toujours adoré l’idée d’œuvrer avec certaines contraintes (celles d’un support ou d’un thème imposé par exemple), et dans le cadre d’un projet collectif, pour lequel certes, chacun travaille dans son coin, à partir de sa propre matière, de sa singularité, mais dans l’objectif d’une mise en relation qui porte l’énergie du “faire ensemble”.
Notre contrainte et point de départ à tous, le voilà.


Comme j’ai par ailleurs une fâcheuse tendance à suivre avec attention la lente déliquescence de l’humanité, ce qui contribue allègrement à nourrir mes révoltes, je dois reconnaitre que ce petit carré de tissu plié cousu, et lourd de sens dans le contexte social et sanitaire que nous traversons aujourd’hui, m’a beaucoup inspirée.

Trop de ressentis pour les exprimer tous dans un seul projet.
J’en ai donc réalisé quatre, mais j’aurais pu aller beaucoup plus loin si ma raison ne l’avait pas emporté sur mes idées et envies de création…



Virus, le plus “basique”.
Il est le pendant de celui présenté plus haut. Un duo rouge et blanc, inspiré par les mensonges d’État et les dérives autoritaires d’un pouvoir qui utilise et manipule nos peurs pour nous soumettre toujours plus. Reflet également de l’indécence crasse des empires commerciaux pour lesquels toute occasion de faire du profit est bonne à prendre, même si elle se fait au dépend des plus fragiles ou de notre bien le plus précieux; notre écosystème.
(Technique: motifs au tampon et broderie sur masque en métis blanc)

À partir de la même réflexion, Les mots. Un masque à trous qui emprunte à Prévert ses mots et sa lucidité pour dire l’absurdité de ce que nous vivons.
(Technique: broderie sur masque en métis blanc, fils rouges, dessin et collage)



Le troisième, une bouche ouverte qui crie, rit, se moque, raconte des histoires et gueule sa révolte.
Une bouche, en opposition à l’idée du bâillon, qui me vient de façon quasiment viscérale quand je pense au masque dont le port généralisé nous est un peu plus que suggéré.

Je le ressens au fond de moi comme le symbole de la volonté d’un pouvoir autoritaire (et dépassé) de nous faire taire, de réduire au silence toute velléité d’opposition, de contradiction, voire même d’alternative fut-elle constructive et vitale.
(Technique: peinture à huile sur masque en métis blanc et boule de feutre)


Et le dernier, qui est en fait le premier auquel je me suis attaquée, mais qui est le fruit d’un long travail de patience…

Une île, masque sculpture, à la fois artisanal et conceptuel (oui, c’est possible!).
Par cette approche de mise en volume et de négation de la fonction, j’ai voulu tuer le masque et ce qu’il représentait pour moi de volonté symbolique non seulement de nous bâillonner mais également de nous uniformiser.
Dissimulée derrière cet accessoire devenu graal — décrié puis recommandé puis imposé (mais interdit, ne l’oublions pas, pour se protéger des gaz lacrymogènes dont les forces de l’ordre font usage en abondance dans les manifestations) — notre identité se perd, notre singularité avec elle.
Nous devenons cette masse docile et effrayée, poisson parmi les poissons, mouton parmi les moutons, numéro parmi d’autres.

Cette symbolique du masque me terrifie et me révolte, elle représente le coup suprême qui viendrait être porté à nos droits fondamentaux, d’où la nécessité pour moi de détruire l’objet-masque en le transformant en symbole positif et réparateur: Un refuge, une île, une végétation sauvage, des landes, de la bruyère, du vent, de l’eau…
(Technique: peinture acrylique, porcelaine et fils sur masque en métis blanc replié et façonné, posé sur papier peint et cousu)

Si vous souhaitez tenter d’acquérir un de ces masques ou de ceux présentés à l’occasion de cette vente pour le moins exceptionnelle, je vous invite à suivre l’actualité d’M la vie avec Lisa.
Je vous donnerai plus d’informations à ce sujet prochainement.

D’ici là prenez soin de vous.

À bientôt!

Mise à jour du 10 juin 2020.
La vente aux enchères est ouverte, jusqu’au dimanche 14 juin à 16 heures.
Vous souhaitez découvrir tous les masques proposés à la vente? Le catalogue en ligne, c’est ici.
Vous souhaitez tenter d’acquérir l’un ou l’autre masque? Le formulaire d’enchères c’est ici.