Ceux qui ne sont rien
Nuancier de déchets, rebuts et autres objets de mépris
Pour chaque nuancier présenté dans mon exposition
Singulières (nuances), j’ai posé des mots.
Voici ceux qui accompagnaient celui-ci.
Qui oserait ?
Qui a osé ?
Qui ose ?
Dénier à certains leur humanité.
Leur ôter le droit d’exister,
les assimiler au néant.
Qui peut oser ?
On pense au passé, on pense à la honte,
on pense à ceux qui, de ce côté-ci ou de l’autre d’une frontière,
dans un temps pas si lointain,
ont œuvré massivement à cette négation-là.
Et on ne s’horrifie pas, plus, pas assez, pas du tout,
à l’écoute de ces quelques mots tout proches,
dans une bouche toute propre
qui nous explique qu’il y a deux catégories d’humains.
Ceux qui ont réussi,
et ceux qui ne sont rien.
Ça se planque derrière des dents bien rangées,
et puis ça sort un jour comme ça, l’air de rien,
le déni d’humanité.
Une phrase réfléchie, assénée,
et c’en est fini des gueux, des pauvres, des abîmées,
des poètes.
Il faut croire qu’elle se perpétue
cette obstination à vouloir gommer l’autre,
les autres,
les ratés de la société.
Vous, moi peut-être ?
….
Piocher dans le rebut, le rejet,
collecter ces fragments invisibles
charriés par le vent, altérés par le temps,
puis laisser faire le fil
et rendre chair aux enterrés vivants.
Ce sont si peu de chose,
les infinies nuances du rien.
Des parcelles de vie, des fragments d’immensité.
C’est ce qui fait le monde.
Aux petits rois aveugles
laissons le blanc, le noir,
le néant de leur humanité.
Ceux qui ne sont rien
Nuancier de déchets, rebuts et autres objets de mépris
178 disques. Déchets textiles et autres petits rebuts (filets de légumes,
emballages plastiques ou papier, vêtements usagers, ficelle agricole…), fil.