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Gaëlle Boissonnard, un peu plus loin...

Encore

Tenter de dire Posted on 29 Juin, 2024 14h46

Besoin de relayer ces initiatives et prises de parole multiples et pleines d’espoir,
tant elles sont le reflet d’une autre vie possible et désirée,
fondée sur des valeurs humaines essentielles à une société apaisée.
À l’image de l’AFP France handicap qui se mobilise
“pour défendre des valeurs non négociables :
solidarité, égalité, justice, fraternité, non-discrimination”.


C’est un écho bien éloigné de la violence que l’on reçoit chaque jour en pleine face,
entretenue et véhiculée par ces hommes et femmes en quête de pouvoir,
dont les cris et les mensonges — amplifiés par certains médias et autres réseaux nauséabonds — éteignent en nous jusqu’aux plus infimes sources de clarté.

Ces associations, syndicats, ONG et autres collectifs sont autant de contre-pouvoirs
et de graines sur lesquelles il va nous falloir veiller.
Ce sont autant d’engagements à rejoindre et de résistances à inventer,
pour ne pas ajouter du repli au repli, de la haine à la haine.

• Appel des soignantes et soignants pour la santé de toutes et tous

70 organisations s’engagent (dont la LDH, La Cimade, le planning familial, Oxfam…)

• Solidarité, écologie et justice (par Greenpeace)

Appel solennel du bureau de la CNCDH

Appel des Soulèvements de la terre

• Appel de France nature environnement

Appel d’Amnesty International

Appel d’ Osez le féminisme

Appel d’Oxfam

Appel de la coordination nationale Pas sans nous

Tribune de la ligue de l’enseignement




La vie

Tenter de dire Posted on 25 Juin, 2024 17h52

Oui, la vie,
dans sa multitude et sa diversité,
dans toute la richesse et les subtilités que nous offrent les différences.

La vie en couleurs, en lutte et en beautés,
en vérité.

La vie en douceur, en tendresse, en créativité.
La vie telle que notre environnement naturel nous suggère chaque jour de l’inventer,
loin de l’ordre et des prisons, de la haine et des casernes, de l’amertume ressassée,
loin des gamins en uniformes, dressés, disciplinés.

La vie ensauvagée oui, la vie pas droite, pas rangée,
la vie bouillonnante et révoltée.

La vie en liberté et en fraternité.


Fleurs de juin et recherches en cours,
pour une expo qui aura lieu cet automne.
Une réflexion sur les nuances,
sur l’importance de les faire se côtoyer, se frôler, se rencontrer,
sur un monde et une société tout sauf monochromes.



Parmi toutes les couleurs…

Tenter de dire Posted on 10 Juin, 2024 18h36

… je n’ai jamais aimé le bleu marine.

Peut-être parce qu’il évoque des profondeurs sans fond, sans lumière, sans espoir.
Peut-être parce qu’il est bien souvent celle des uniformes, des uniformisés,
ou d’une nuit sans lune.

D’autres couleurs existent et nous appellent,
des verts à l’infini, des roses même fanés, des rouges braise ou coquelicot…
Des couleurs de paix et de vivre ensemble, de construire ensemble,
des couleurs de joie qu’il ne tient qu’à nous d’inventer.



Sérieusement

Tenter de dire Posted on 19 Jan, 2024 16h15

On peut se demander.

Je me demande, moi,
si tout cela est bien sérieux.

S’ils sont sérieux ceux qui pensent l’être,
ceux qui pensent penser bien, penser mieux, penser juste,
ceux qui pensent pour les autres.

Pour nous.

Les mouvements de leurs bras,
la gravité de leurs regards,
de leurs voix,
sont étudiés, travaillés,
pour qu’on les croie.

Qu’on les croie sérieux, responsables,
puisqu’ils décident ce qui est bien pour nous,
puisqu’ils le savent mieux que nous le savons.

Ils seraient donc nos pères, nos mères,
nous leurs enfants inconséquents.

Mais les enfants,
ne sont-ils pas plus sérieux que ces “grands” qui font de nous leurs poupées de papier?
Plus sérieux que ces “grands” qui jouent au roi ou aux marchands,
qui jouent à l’école,
qui jouent à la guerre avec des soldats de chair et de sang,
avec des enfants de chair et de sang,
qui jouent aux puissants.

Je porte en moi ce double handicap,
je n’ai jamais été “grande”,
et je suis une femme.

À leurs yeux, plus encore que tout autre,
je ne suis pas sérieuse,
pas capable de comprendre le monde,
de le guider,
pas capable de savoir ce qui est important et ce qui ne l’est pas.

Pourtant,
c’est peut-être parce que je suis une femme,
que je connais la préciosité et la valeur de la vie,
de chaque vie, quelle qu’en soit sa couleur.

Cette vie que j’ai donnée, créée, nourrie,
sans obéir à une quelconque injonction à pondre,
à peupler, à repeupler,
à regarnir les garnisons et les viviers d’esclaves et de petits robots.

Il serait temps,
enfin,
de considérer la vie,
les vies.

Les vies multiples et infinies,
uniques, singulières,
chaudes et douces de peaux, de rage et de rires profonds,
fragiles et furieuses, folles, tendres et lumineuses,
déglinguées, abimées, constructives, appliquées, raisonnables ou déjantées,
mais vivantes,
et de toutes les couleurs.

Les couleurs existent,
elles font le monde comme nous le faisons,
elles se déclinent en milliers de nuances,
comme nous.

Ne fermons pas les yeux sur leur infinie diversité.

Refusons la monochromie imposée
aux enfants comme aux idées.

Uniformiser les enfants “n’effacera” pas leurs douleurs et leurs peines,
leur lucidité, leur soif de se dire et d’exister.

Refusons d’armer nos ventres et nos pensées,
refusons la peur et ceux qui la fabriquent,
refusons les chants de guerre dans la bouche des marmots,
refusons le bleu marine sur leur peau,
sur la nôtre, et dans nos cerveaux.

Que cette année soit celle de la multiplicité des couleurs,
mélangées, conjuguées, métissées.
Qu’elle soit une année bariolée, désarmée,
féminisée!

À nous.
Belle année!



Accessoire

Tenter de dire Posted on 26 Déc, 2023 17h36

“Qui vient avec ou après ce qui est principal, essentiel”

“Qui s’oppose à la chose principale dans une étroite dépendance”

“Femme”

Petit bonheur du jour.
En travaillant, écouter sur une radio publique la rediffusion d’une émission
enregistrée il y a une dizaine d’années.
Cette émission, qui donne la parole à trois “grands” de la chanson française
(Clerc, Le Forestier, Souchon)
fait écho à une autre, bien plus ancienne
et autrement plus connue,
qui vit se réunir pour la première fois autour d’une table
Brel, Brassens, Ferré.

Ils sont là, ils parlent,
les trois d’hier puis les trois d’avant-hier,
les trois vivants invités à poursuivre les réflexions des trois disparus.

Quand vient la question des femmes,
de la femme,
car dans l’ombre ça existe ces petites choses-là.

Certains diront,
“pas des bonnes-femmes non,
il ne faut pas dire ça”.

Merci.

Pour le reste,
accessoire,
ce n’est sans doute que ça,
une femme.

Je ne cesserai pas d’aimer les chansons de Brel et de Brassens,
ni de les écouter.

Mais quand cesserons-nous d’être considérées
comme des objets d’usage,
comme des accessoires,
comme “ce qui vient après ce qui est essentiel, principal”?

À écouter celui qui se prend pour notre Roi,
à écouter certains monstres
que seuls d’aussi monstrueux qu’eux sacralisent encore,
ce n’est pas pour demain.



Rouge

Bientôt., Tenter de dire Posted on 07 Nov, 2023 12h05

Ici,
le soleil,
et l’ombre des dernières feuilles,
dansent avant de rejoindre la terre.

Caresses d’air et de lumière,
papier de chair et de sang.

Derniers préparatifs avant l’accrochage de notre exposition de fin de résidence.

Le ventre de la terre,
Gaëlle Boissonnard et Sylvie Delphaut.

Ce sera à Arte Diem
5 rue de Bretagne à Saint-Chamond (Loire).
Du 10 novembre au 8 décembre 2023.

Ouverture du lundi au samedi de 14h à 18h,
et les dimanches 12 et 26 novembre, de 14h à 18h.

Vernissage ce jeudi 9 novembre à 18h30.

À bientôt?

Et puis,
parce que je suis plus que jamais convaincue que se taire ne sert à rien,
sinon, parfois, à être complice du pire,
je me suis associée à cette Tribune des acteurs et actrices de la scène culturelle française
pour la défense de la Palestine.



Ce qui se cache

Tenter de dire Posted on 24 Oct, 2023 13h07

Il n’est jamais assez de murs, de cloisons, de strates de feutre, de laine, de coton,
pour se protéger de la furie des hommes.
Jamais assez de mains sur les oreilles pour s’isoler d’un tumulte que l’on voudrait faire taire.

Dans l’atelier, je choisis souvent le silence.
Pas de musique, si ce n’est celle de la pluie, du vent, des oiseaux, du trottinement des souris.

Posées là,
des bulles de porcelaine-papier teintée de chair et de sang,
des lambeaux de peau protectrice, de minuscules objets de soin.
Une fois encore, créer des passerelles entre la terre et d’autres matériaux
fragiles et périssables; textile récupéré, fil, végétal, papier.

Réfléchir à ce qui se cache, dessous,
sous la peau de porcelaine blessée.

Il y a ce qui se voit et ce qui se terre.
Il y a ce qui ne paraitra jamais et il y a ce qui suinte.
Il y a la douleur des femmes, de toutes les femmes en moi.

Il y a aussi ce cri que je ne parviens pas à faire taire,
et qui rompt le silence que j’ai pourtant choisi.
C’est un cri incessant, c’est du bruit,
un boucan de gravas, de larmes, d’injustice infinie.

C’est le bruit des hommes qui cassent le monde en petits morceaux.

Cette question de la paix, de la volonté de la paix, me taraude.
Elle parasite mes pensées et mon travail, mes jours, mes nuits.
Elle gonfle ma colère.

Je ne veux plus croire, comme on me l’a trop souvent donné à croire,
que c’est une question naïve, enfantine, que celle de la paix.
Que celles et ceux qui se la posent ne comprennent rien au monde des “grands“.
Ces dominants,
qui dirigent, ordonnent, organisent à l’image de leurs pulsions mortifères
nos civilisations.

Ce que me révèle cet état du monde,
c’est que ceux qui se croient grands et forts
ne la désirent pas,
la paix.
Ils n’en ont que faire.

Ils ne sont peut-être simplement pas capable de l’imaginer,
pas plus qu’ils n’imaginent la singularité de chaque vie qu’ils anéantissent.

Des vies d’enfants, d’hommes, de femmes,
des vies d’arbres et d’animaux multiples,
la vie des vivants qui peuplent la terre.

Nous si nombreux, si nombreuses,
qui l’avons, cette imagination.
Nous qui chaque jour créons la vie, la possibilité de la vie,
nous qui en prenons soin, qui l’élevons, la cultivons,
il serait peut-être temps de faire entendre notre voix,
non?



Photos: Chloé Sorbe et Gaëlle Boissonnard
Sculptures en porcelaine-papier et textile, créées lors de notre résidence
à Arte Diem
, en avril 2023.
Exposition du 10 novembre au 8 décembre 2023.



Retour de résidence

En cours, Tenter de dire Posted on 11 Avr, 2023 12h30

Deux semaines,
c’est bien court pour parcourir la terre,
l’explorer dessus, dessous, dedans,
au creux de ses recoins cachés.

Deux semaines dans une bulle hors du temps,
à parcourir de nos doigts et de nos doutes l’idée de l’ombre fertile,
du ventre qui protège,
qui enfante comme la terre offre ses replis aux graines,
aux racines, aux rhizomes, aux germes oubliés,
pour couver la vie, la soigner, la protéger,
l’inventer.

Ces deux semaines de création et de bonheur dans la lumière d’un immense atelier
nous ont été proposées par l’association Arte Diem,
qui œuvre pour le partage et la reconnaissance de la création céramique depuis plus de trente ans.
Merci à toutes celles et ceux qui nous ont accueillies et accompagnées joyeusement
durant ces 16 journées de création.

Merci également à Chloé Sorbe, pour les très belles photos réalisées pendant ce temps de résidence.

Les pièces réalisées pendant la résidence, qui seront sans doute complétées par d’autres que nous réaliserons un peu plus tard dans nos ateliers, seront exposées dans l’espace d’Arte Diem,
à Saint-Chamond, à partir du 10 novembre prochain.

Et puis, parce que je reste celle que je suis, et qu’à peine sortie de ma bulle je retrouve mes colères
et mes révoltes face à l’injustice d’un pouvoir qui n’œuvre que pour accroitre toujours plus les inégalités sociales, j’ai envie de partager avec vous ce texte admirable écrit par Lola Lafon et publié dans Libération la semaine dernière.
Il fait écho au thème que nous avons choisi d’explorer durant ces journées d’exploration de la terre,
celui du féminin et du végétal qui se rejoignent dans cette incroyable énergie à inventer la vie.
Alors oui, continuons, insistons, encore
et encore.



Réforme des retraites : Manu ciao?


“Voilà qu’en ce début de printemps, quelque chose survient. Quoi qu’il en coûte, il s’agit d’éteindre ce qui naît. Ce pouvoir aux abois ne sait plus faire que ça.

Tout ne pouvait pas se résoudre à cela, à dresser des listes de ce qui mourrait bientôt, ces listes qu’on finirait par trouver tragiquement poétiques : les tigres de Sunda, les licornes asiatiques et les séquoias géants. Tout ne pouvait pas se limiter à cela, à s’alarmer, à agiter des sonnettes d’alarme.

Tout ne pourra pas se résoudre à ça : à colmater, à réparer.

Nous savons tout de la réparation, nous sommes rompus à nous «acclimater» à ce qui nous détruit. Nous savons les ravages de ce qu’on avale de force, de tout ce qu’on ravale, ce magma de solitudes et d’impuissances. Et on s’y est presque faits, pour ne pas dire résignés, à avoir en commun la peur de faillir, de ne pas tenir, de s’affaisser, la peur de ce qui nous attend, la peur de ce qui ne nous attend plus.

On s’échange les adresses de thérapeutes, des recettes bien-être, on décline les couleurs apaisantes sur les murs de notre appartement. On ne se dit plus au revoir mais «prends soin de toi», comme face à un cataclysme que l’on sait inéluctable.

On s’y est presque faits, à n’être en quête que de ça, dans les amitiés, les voyages, les plantes ou les romans : une réparation. A rechercher en tout de quoi fonctionner encore, à la façon de petites machines tristes et efficaces, vaillantes, beaucoup trop vaillantes. Mais voilà qu’en ce début de printemps, quelque chose survient, qui grippe la machine. Ce quelque chose, dont personne, au moment où j’écris, ne connaît l’issue, est un rappel. Un réveil. Quelque chose a lieu qu’il faudrait se garder de définir, de circonscrire. S’agit-il de questionner la place du travail dans nos vies ? Certainement. S’agit-il d’une conscience inquiète du temps qui nous reste ? Certainement. De ce qu’il faut reprendre, arracher à un capitalisme morbide qui ne sait plus faire que ça, nous inoculer le désir des choses inutiles ? Certainement. S’agit-il de balancer par-dessus bord cette façon que l’on a eue, des années durant, de se définir par le travail, cette question réflexe, quand on se rencontre : et toi, que fais-tu ? Ce marqueur social impitoyable qui exclut de la conversation chômeurs, retraités et tous ceux et celles qui n’ont pas choisi ce qu’ils «font», que leur métier ne définit pas ?

Le «quelque chose» de ce printemps est un mouvement. Mouvement a pour synonymes ardeur, élan, émotion et vie. Si, dans les manifestations, des cortèges se réapproprient le tube de Mylène Farmer Désenchantée, les corps, eux, contredisent ce constat désespéré : les manifestants dansent, ils reprennent l’espace.

L’entrée en force de la danse dans les cortèges n’est pas anecdotique, elle dit, mieux que ne le font les traditionnels slogans syndicaux, la joie de faire corps, de se tenir ensemble, ce désir d’être uni·e·s. «Si je ne peux pas danser, je ne veux pas prendre part à votre révolution», disait Emma Goldman. Cette foule qu’un pouvoir hagard réduit à des chiffres mobilisation en hausse ou en baisse – prend la parole en un surgissement poétique, politique : les pancartes affichent un humour noir, un humour pop, aussi, ces «Manu Ciao», «Femmes : 22 % de retraite en moins et il paraît qu’on chiale pour rien», «Y’a pas de moyens dja dja», «Je ne veux pas mourir sur scène» ou «Moins de flashball et plus de flashdance».

J’aurais aimé pouvoir arrêter ma chronique ici. J’aurais aimé n’écrire que cela. J’aurais aimé ne pas écrire ceci : qu’un manifestant est entre la vie et la mort. Qu’un autre sort à peine du coma. Que d’autres, combien d’autres, ont été mutilé·e·s. Certaines ont subi des violences à caractère sexuel lors d’un contrôle policier. Des centaines ont été arrêtées de façon arbitraire, «préventivement». Quoi qu’il en coûte, il s’agit d’éteindre ce qui naît. Ce pouvoir aux abois ne sait plus faire que ça. Mais comme l’écrit l’Association pour la défense des terres dans une tribune parue le 1er avril : «Les limites planétaires ne sont pas des données que l’on peut mettre à genoux, matraquer, faire rentrer dans le rang ou intimider.»

Sans doute le savent-ils très bien, ceux-là qui ont cru pouvoir résoudre les existences comme autant de fractions : il se passe quelque chose, ce printemps, dans les rues. On y reprend vie. On revient à soi, mais ensemble. On déborde du cadre. Et le printemps a ceci de commun avec la vie : il insiste.


Toutes les photos de cet article ont été réalisées par Chloé Sorbe.



Il est un jour

Tenter de dire Posted on 08 Mar, 2023 12h27

Pour les femmes, pour leurs droits.

Il en a été décidé ainsi.

Un jour pour le souvenir,
comme un bouquet de roses qui viendrait leur dire,
Tu sais je ne suis pas souvent là,
j’ai été dur parfois,
je ne me suis guère préoccupé de nos enfants,

de tes envies ou de ta liberté,
j’ai quand même mieux à faire,
j’ai des responsabilités,
et puis je travaille moi,
je ramène un salaire pendant que tu tricotes,
et puis j’ai besoin d’air, j’ai ma vie à vivre,
et ça suffit à la fin, regarde, je t’ai apporté des roses,
rouges,
un plein bouquet,
tu vois je suis là je pense à toi,
c’est ton jour, ta fête,
ça ne te suffit pas?

Une journée internationale des femmes comme un bouquet de roses reçu en pleine figure.

Et ce jour-là tout le monde s’y met,
et on commémore, et on légifère, et on donne la parole,
et la presse, et l’assemblée, et même le palais n’en finissent pas de se passer le relais.
Car c’est notre journée, la leur,
celle de toutes les opprimées, les violentées, les dominées,
celles qui nettoient soignent et balaient,
celles qui se terrent, celles qui se déguisent en échassier à bec rouge pour mieux exister,
celles qui ont dit non, mais…
celles qui n’ont pas osé,
celles qui ne savent pas même pas qu’elles en ont le droit.

C’est leur jour, le nôtre,
il faut en profiter, ça ne fait que passer.
Demain se sera terminé, les roses rouges seront fanées.

Demain,
elles reprendront leur tablier.

Mon tablier à moi, le voilà.
Presque propre,
il sèche au chaud,
entre deux chantiers.
Entre porcelaine et couleurs sur papier,
sur fils de laine, de soie et de coton,
entre deux recherches, deux explorations.

Aujourd’hui c’est sa fête,
la fête des tabliers qui vivent et m’accompagnent
dans ma vie de femme qui, aux roses rouges, préfère les mauvaises herbes,
les fleurs des champs,
celles qui poussent en liberté,
loin des canons et des poisons.

Demain, ce sera sa fête aussi, et puis après-demain.
Il reprendra le chemin des taches bariolées,
tentera avec moi d’inventer des parcelles de vie,
de lumière.

Alors,
bonne fête aux tabliers!



L’uniformisation

Tenter de dire Posted on 16 Jan, 2023 15h14

Uniformiser donc.
Les minots, les plus grands,
pour gagner des sous, pour gagner du temps…

Imaginons la joie de maman et papa le matin,
et la joie des enfants.
Plus besoin de penser, de réfléchir,
à comment se vêtir.
Non, là au pied du lit,
tous les matins de la même vie,
la même tenue, les mêmes habits,
pour tous les jours et tous les enfants d’un pays.

Vous imaginez? Le gain d’espace de temps d’argent de liberté d’égalité ?

Vous imaginez le bonheur de ne plus avoir à penser à comment se fringuer ?
Donc à comment se dire,
comment se raconter,
comment exprimer qui on est,
comment crier sa singularité, sa différence, son unicité.

Plus de temps perdu à inventer, à s’inventer,
plus d’argent perdu à tenter d’exister avec qui on est,
avec qui on veut être,
même plus besoin de respirer.

Oublions tout cela,
ils ont pour nous l’uniforme solution,
un pour tous et tous le même.
Et pourquoi pas un pyjama rayé ?

Et on nous dit que cela gommerait les disparités
sociales, économiques, religieuses!
Les riches en seraient donc moins riches, les pauvres moins pauvres,
les croyants moins croyants ?

Ils savent que c’est pour notre bien,
ils ont connu cela, et ils n’en sont pas morts.
Ils savent si bien ce qu’il nous faut,
ce dont on a besoin.

Alors Madame l’épouse de,
et Messieurs Dames en bleu foncé cravate et tailleur ajustés,
je réponds à votre appel d’offre.

Une tenue pour jeune fille,
une pour jeune garçon,
confortables et pas tristounes.
Idéales pour la pratique du sport comme pour celle de la dictée (c’est économique),
avec des références à Henri Matisse et à Yves Klein (c’est artistique),
mais également au monde du travail (car faudrait pas croire qu’on est là pour chômer),
un petit nombril aéré, pour l’uniformité (tout le monde a un nombril, alors pourquoi le cacher ?),
quelques rayures pour mémoire,
et avec ça, interchangeables!

On s’y met ?
À réfléchir, ou à uniformiser le monde?



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