A musée Ombres et lumières d’une enfant sauvage au bord de la rivière
Je joue, à la marchande, à la dinette, à la poupée. Je colorie, je m’en mets plein les doigts, je dessine des maisons sur le sol et je parle aux fourmis, aux cailloux.
Je joue à être grande mais je reste petite, il y a longtemps que je ne pousse plus.
Je m’invente une vie de bouts de ficelles.
Là, je joue au musée. Je mets ma vie en boîtes.
A musée Ombres et lumières d’une enfant sauvage au bord de la rivière
15 tiroirs d’un meuble d’imprimerie, porcelaine, textile, brindilles, cailloux et menus objets trouvés
Ceux qui ne sont rien Nuancier de déchets, rebuts et autres objets de mépris
Pour chaque nuancier présenté dans mon exposition Singulières(nuances), j’ai posé des mots. Voici ceux qui accompagnaient celui-ci.
Qui oserait ? Qui a osé ? Qui ose ? Dénier à certains leur humanité. Leur ôter le droit d’exister, les assimiler au néant.
Qui peut oser ?
On pense au passé, on pense à la honte, on pense à ceux qui, de ce côté-ci ou de l’autre d’une frontière, dans un temps pas si lointain, ont œuvré massivement à cette négation-là.
Et on ne s’horrifie pas, plus, pas assez, pas du tout, à l’écoute de ces quelques mots tout proches, dans une bouche toute propre qui nous explique qu’il y a deux catégories d’humains. Ceux qui ont réussi, et ceux qui ne sont rien.
Ça se planque derrière des dents bien rangées, et puis ça sort un jour comme ça, l’air de rien, le déni d’humanité. Une phrase réfléchie, assénée, et c’en est fini des gueux, des pauvres, des abîmées, des poètes.
Il faut croire qu’elle se perpétue cette obstination à vouloir gommer l’autre, les autres, les ratés de la société. Vous, moi peut-être ?
….
Piocher dans le rebut, le rejet, collecter ces fragments invisibles charriés par le vent, altérés par le temps, puis laisser faire le fil et rendre chair aux enterrés vivants.
Ce sont si peu de chose, les infinies nuances du rien. Des parcelles de vie, des fragments d’immensité. C’est ce qui fait le monde.
Aux petits rois aveugles laissons le blanc, le noir, le néant de leur humanité.
Ceux qui ne sont rien Nuancier de déchets, rebuts et autres objets de mépris
178 disques. Déchets textiles et autres petits rebuts (filets de légumes, emballages plastiques ou papier, vêtements usagés, ficelle agricole…), fil.
Cinq nuanciers présentés dans le bel espace de la salle des Cimaises, à Saint-Étienne. Quelques détails en images ici, que je prolongerai en mots, bientôt.
L’exposition est visible quelques jours encore. Mercredi, jeudi et vendredi de 15h à 19h, Samedi 12 et dimanche 13 octobre, de 10h à 12h et de 15h à 19h.
Je serai présente à chacune de ces permanences, et heureuse de vous y rencontrer.
Le mercredi 9 octobre, j’accueillerai trois conteuses qui égrèneront leurs histoires au fil de l’après-midi.
Singulières (nuances) Salle des Cimaises – 15ter rue Henri Gonnard à Saint-Étienne
Une exposition construite autour de l’idée du nuancier.
Aborder la couleur avec les mains, les paumes, avec les ongles qui griffent, incisent, marquent les plis, avec les doigts tachés et les gestes de l’artisane. L’explorer dans sa matérialité de fils et de glacis, de papier submergé, de frictions, de transparences, de frottements et de confrontations.
C’est un trajet que je poursuis depuis des années, et sur lequel peu à peu je me déleste, en imaginant le chemin le plus direct entre elle – la couleur – et moi. Je cherche à comprendre en quoi, et jusqu’où elle me fascine, comment elle façonne le monde vivant, le structure, dans l’infinie diversité qui est la sienne.
Il y a dans cette diversité comme une clé de compréhension et d’appréhension de l’autre, de celui qui n’est pas moi, et du reste du monde. De tout ce qui vit autour et à l’extérieur de moi.
À travers cinq nuanciers conçus comme autant d’installations, je défriche, trie et organise la matière- couleur. De déclinaisons subtiles en oppositions brutales les nuances se frôlent, se heurtent, se répondent et se font exister. Elles m’invitent au cœur de la blessure, de l’herbe froissée, de la peau griffée, d’indignations silencieuses et de lignées malmenées.
Mais avant tout, elles me ramènent à l’importance de la singularité.
Une série de petits muraux, réalisés en grès engobé et émaillé, puis illustrés à partir de collages de décalcomanies céramique. C’est une technique que j’aime beaucoup, qui demande patience et anticipation, (les décalcomanies sont imprimées en amont, à partir de mes dessins, mais aussi de reproductions de planches botaniques anciennes — notamment quelques-unes de Pierre-Joseph Redouté, chinées dans une magnifique bouquinerie de la Drôme).
Ludique et poétique, le collage fait dialoguer les dessins comme on le ferait avec des mots. Chaque association est une nouvelle histoire que je m’invente.
Une fois le collage effectué, une troisième cuisson est nécessaire pour fixer définitivement le dessin dans l’émail. Avec cette même technique, j’ai aussi réalisé une série de broches et de cache-pots, à retrouver également chez Souzani.
Parmi les créations d’une dizaine d’artisans, est également présentée ma petite papeterie, ainsi qu’une famille de poissons en papiers perdus. Ceux-ci — petites sculptures sur pied — sont créés à partir de chutes de peintures et autres petits rebuts qui s’accumulent dans l’atelier. Impressions aux tampons, couleurs, crayons, collages, couture et bouts de bois pour un banc lumineux et joyeux.
Besoin de relayer ces initiatives et prises de parole multiples et pleines d’espoir, tant elles sont le reflet d’une autre vie possible et désirée, fondée sur des valeurs humaines essentielles à une société apaisée. À l’image de l’AFP France handicap qui se mobilise “pour défendre des valeurs non négociables : solidarité, égalité, justice, fraternité, non-discrimination”.
C’est un écho bien éloigné de la violence que l’on reçoit chaque jour en pleine face, entretenue et véhiculée par ces hommes et femmes en quête de pouvoir, dont les cris et les mensonges — amplifiés par certains médias et autres réseaux nauséabonds — éteignent en nous jusqu’aux plus infimes sources de clarté.
Ces associations, syndicats, ONG et autres collectifs sont autant de contre-pouvoirs et de graines sur lesquelles il va nous falloir veiller. Ce sont autant d’engagements à rejoindre et de résistances à inventer, pour ne pas ajouter du repli au repli, de la haine à la haine.
Oui, la vie, dans sa multitude et sa diversité, dans toute la richesse et les subtilités que nous offrent les différences.
La vie en couleurs, en lutte et en beautés, en vérité.
La vie en douceur, en tendresse, en créativité. La vie telle que notre environnement naturel nous suggère chaque jour de l’inventer, loin de l’ordre et des prisons, de la haine et des casernes, de l’amertume ressassée, loin des gamins en uniformes, dressés, disciplinés.
La vie ensauvagée oui, la vie pas droite, pas rangée, la vie bouillonnante et révoltée.
La vie en liberté et en fraternité.
Fleurs de juin et recherches en cours, pour une expo qui aura lieu cet automne. Une réflexion sur les nuances, sur l’importance de les faire se côtoyer, se frôler, se rencontrer, sur un monde et une société tout sauf monochromes.